La Fashion week, par hasard ...
Me promenant à Paris avec l'intention de faire des photos -un beau jour où j'avais la chance de vivre la vie nonchalante d'un touriste coréen, hébergé à 28 mètres du Louvre- je suis tombé nez à nez avec un de ces moments dont on ne sait de quoi il s'agit mais qu'on imagine important... où du moins recélant une certaine dose d'effervescence mondaine, au vue du ballet de limousines, des Men In Black de la sécu, de la cohorte de photographes plus ou moins amateurs qui tuent le temps en échangeant des tuyaux de geeks, du lieu (place du palais Royal) et surtout des lettres écrites sur une pancarte à l'entrée d'un sas de sécurité interdisant l'accès aux colonnes de Buren : Louis Vuitton défilé homme 2017 !
Tout prend sens et l'adrénaline retombe alors que s'agglutine de part et d'autre d'une haie d'honneur fictive, une horde désorganisée d'énergumènes ultra-stylisés, avides d'un regard, de reconnaissance, d'amour ou simplement d'un sésame pour entrer au défilé. Des phénomènes dress-codés semblant animés par un destin hors norme et pour lesquels je n'ose avoir un quelconque jugement, tant leur existence même m'était inconnue jusqu'alors.
J'observe la foule -bigarrée mais régie par des liens communs, des attitudes-, partagé entre ma tristesse d'une humanité perchée sur les montagnes de l'égo, une curiosité de coréen piquée au vif et l'envie de restituer quelque chose avec mon appareil photo. Des black efféminés, une lolita avec sa maman, des japonaises trash, des fakirs trendy, une jeune fille albinos populaire avec ses copines, des Al-supergays en kilt... dont je finis par observer qu'ils arborent TOUS les armoiries de la marque.
Avec la candeur détachée (et assumée) d'un pecqueno lambda, j'ose un vulgaire "Y'a qui comme pipole ?" à un homme dont l'attirail ne laisse aucun doute sur le fait qu'il est photographe. Celui-ci, happé par son instinct de chasseur me répond vaguement que "on sait pas mais forcément y'aura du monde" (selon l'adage qui dit que lorsque l'homme blanc coupe du bois, l'hiver sera rude) et commence à me détailler les scénarios possibles des entrées des pipoles, me dit "qu'il ne la sent pas cette entrée" et qu'il va aller voir de l'autre coté parce qu'il ressent une vibe (ça c'est moi qui suis sarcastique)
Avant de repartir, il me lâcha quand même qu'on attendait un célèbre chanteur de K-Pop (mais siiii, la pop coréenne) avec la mine préoccupée, façon Jack Bauer qui doit désamorcer une tactical Nuke.
Woaw ... DE - K - POP ... me dis-je.
Bref, me voilà avec les clefs en main, l'enjeu, les tenants, les aboutissants et je comprend qu'il ne se passera strictement rien de plus que ce que nous sommes en train de vivre et que ni Mariah Carey, ni Jude Law, ni même Stephander de la Star'ac 9 ne montreront le bout de leur téton et que quand bien même ils le feraient, j'aurai pas envie de les photographier.
Je tente donc "d'angler" mon reportage façon portraits de rue et je demande à quelques originaux de poser, vu que j'ai observé certains photographes faire de même (des bloggueurs ?) et que je n'ai pas peur de demander (et qu'en plus, ils ont l'air d'adoooOÔoorer poser)
Mais je me retrouve vite rattrapé par un sentiment de spoliation et j'arrête aussi vite que j'avais commencé. Je glane quelques photos ça et là sans grande conviction et un instant, j'ai l'idée de d'axer mon reportage sur le second degré, le détail grotesque qui révèlera toute l'illusion de cette bouffonnerie à dimension ultracapitaliste libérale ... mais je rencontre le regard d'un homme assis à la terrasse du café de la Comédie Française qui, sentant que je suis comme lui, un spectateur désarçonné de ce bal des égos me lance un "Quel cirque..."
S'ensuivent 20 minutes de discussion amicales et salvartrices pendant lesquelles lui me confie qu'il travaillait dans le monde de la mode jusqu'à ce que sa superficialité ne le pousse à en partir et moi, que je ne sais comment regarder le spectacle et si je dois en rire ou en pleurer.
J'ai aimé sa réponse et elle me servira de conclusion : Il y a suffisamment de malheur en ce monde pour ne pas à avoir à en rajouter. Si ces gens sont heureux ainsi, il n'est pas nécessaire d'avoir pour eux du mépris ou de porter un regard fataliste sur la portée de leurs actions.
J'ai eu la réponse que j'attendais et je suis allé faire des photos. Il faisait beau. C'était l'été sur Paris et j'étais heureux...
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